La Chèvre vue par les encyclopédistes

Sente de la chèvre qui bâille : le livre

Lire La Chèvre jaune & Balade caprine à travers la littérature tourangelle

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CHEVRE, s. f. capra, (Hist. nat. quadrup.) c'est la femelle du bouc. Voyez BOUC. Toutes les chevres n'ont pas des cornes ; celles qui en portent les ont comme le bouc, creuses, renversées en arriere & noüeuses. Le poil de la chevre est plus fin que celui du bouc. La couleur de ces animaux varie beaucoup ; il y en a de blancs, de noirs, de fauves, & de plusieurs autres couleurs, soit qu'il s'en trouve plusieurs ensemble sur le même individu, ou qu'il soit d'une seule couleur. Ils ruminent ; ils n'ont que deux mammelles ; ils sont fort chauds, sur-tout les mâles. Pline dit que les femelles reçoivent le mâle dès l'âge de sept mois, tandis qu'elles tetent encore ; mais alors elles ne conçoivent pas. Selon Aristote, elles s'accouplent & elles conçoivent à l'âge d'un an ; cependant il ne faut les faire porter que depuis deux ans jusqu'à sept au plus. On est sûr qu'elles ayent conçû, qu'après qu'elles se sont accouplées trois ou quatre fois. Elles portent cinq mois. Il y a un, deux, trois, & quelquefois jusqu'à quatre petits à chaque portée ; & il pourroit y avoir deux portées par an, sur-tout lorsque le climat & les pâturages sont bons. On prétend que les chevres seroient fécondes pendant toute leur vie ; mais ordinairement on en abrege le cours en les tuant à dix ou douze ans. On garde les boucs pendant un plus long tems, parce qu'on croit que leur mauvaise odeur garantit les chevaux de certaines maladies ; c'est pourquoi on les tient dans les écuries. Il y en a qui ont plus de vingt ans. Les chevres sont fort legeres ; aussi elles grimpent aisément sur les montagnes, & sautent même avec beaucoup d'agilité d'un rocher à un autre. On dit qu'il y a beaucoup plus de ces animaux dans les pays du Nord que dans le reste de l'Europe, & que les boucs y sont si courageux, qu'ils se défendent avec les chiens contre les loups. Voyez Aldrovande, de bisulcis. Voyez QUADRUPEDE. (I)

* CHEVRE, (Econom. rustiq.) elle est de peu de dépense : on lui donne du foin que quand elle a des chevreaux ; elle a beaucoup plus de lait que la brebis ; on peut la traire soir & matin pendant cinq mois, & elle donne jusqu'à quatre pintes de lait par jour : le fromage qu'on en fait n'est pas mauvais.

Une bonne chevre doit avoir la taille grande, la mache ferme & legere, le poil doux & touffu, les pis gros & longs, le derriere large, & les cuisses larges.

Cet animal aime les lieux montagneux ; il craint le grand chaud, le grand froid ; il est propre ; il faut nettoyer tous les jours son étable, & lui donner litiere fraîche.

Il faut l'écarter des arbres, auxquels il porte un dommage considérable en les broutant : ce dommage est tel que les lois ont statué là-dessus. Voyez plus bas CHEVRES, (Jurispr.)

On mene les chevres aux champs avant que la rosée ait disparu : on les retient dans l'étable qu'en hyver & dans les tems durs ; on les y nourrit de petites branches de vigne, d'orme, de frêne, de mûrier, de châtaigner, &c. de raves, de navets, de choux, &c. on les fait boire soir & matin : on les mene aux champs en hyver, quand il fait beau, depuis neuf heures du matin jusqu'à cinq ; en été, depuis la pointe du jour jusqu'à neuf heures, & depuis trois heures jusqu'à la nuit. Elles broutent les ronces, les épines, les buissons, &c. la nourriture des lieux marécageux leur est mauvaise. Elles sont en chaleur depuis le mois de Septembre jusqu'à la fin de Novembre. On les nourrit de foin quelques jours après qu'elles ont chevroté. Elles souffrent beaucoup en chevrotant. Il faut ôter les petits à celles qui n'ont qu'un an, & donner à d'autres ; ne les leur laisser que quand elles ont trois ans, & ne leur en laisser qu'un ; elles alaitent pendant un mois ; on peut retire le chevreau à quinze jours.

La chevre est sujette aux même maladies que la brebis (voyez BREBIS) ; elle est quelquefois attaquée d'une fievre putride ; alors on la met à part & on la saigne. Quand elle devient hydropique pour avoir trop bû d'eau, on la pique au-dessous de l'épaule, on couvre la piquûre d'un emplâtre de poix & de sain-doux. Il lui reste aussi une enflure de matrice après avoir chevroté, pour laquelle on lui fera boire du vin. Quand le pis lui sera desséché, comme il peut arriver dans les grandes chaleurs, on la menera paître à la rosée, & on lui frottera le pis avec de la creme.

Il y a des chevres indiennes ou de Barbarie qui donnent trois fois plus de lait, dont le fromage est meilleur, qui portent ordinairement deux chevreaux, & qui ont le poil plus fin & plus fourni que les nôtres : on dit que les Hollandois & les Anglois en tirent bon parti. Nous en avons en Provence où leurs chevreaux s'appellent besons.

CHEVRES, (Jurispr.) sont des animaux malfaisans : elles ont la salive venimeuse & brûlante ; leur haleine gâte les vaisseaux propres à mettre le vin, & empêche le jeune bois de repousser. Plusieurs coûtumes défendent d'en nourrir dans les villes, comme Nivernois, ch. x. art. 18. Celle de Berri, tit. des servitudes, art. 18. permet d'en tenir en ville close pour la nécessité de maladie d'aucuns particuliers. Coquille voudroit qu'on admît cette limitation dans sa coutûme ; mais il dit aussi qu'il faudroit ajoûter que ce seroit à condition de tenir les chevres toûjours attachées ou enfermées dans la ville, & aux champs qu'on doit les tenir attachées à une longue corde. La coûtume de Normandie, art. 84. dit que les chevres & les porcs sont en tout tems en défens, c'est-à-dire qu'on ne les peut mener paître dans l'héritage d'autrui sans le consentement du propriétaire : celle d'Orléans, art. 152. défend de les mener dans les vignes, gagnages, clouseaux, vergers, plants d'arbres fruitiers, chênayes, ormoyes, saulsayes, aulnayes, à peine d'amende : celle de Poitou, art. 196. dit que les bois taillis sont défensables pour le regard des chevres, jusqu'à ce qu'ils ayent cinq ans accomplis ; & à l'égard des autres bêtes, jusqu'à quatre ans.

Le canon omnes decimae causâ xvj. quaest. 7. décide que la dixme est dûe des chevres qui sont à la garde du pasteur, de même que des autres animaux. (A)

CHEVRE, (Médecine, Diete, & Mat. méd.) On mange très-peu de chevre en Europe excepté dans quelques contrées de l'Espagne & de l'Italie, où cet animal est très-commun ; sa chair qui étoit beaucoup plus usitée chez les anciens Grecs, passe chez leurs médecins pour flatueuse, bilieuse, & de mauvais suc.

Le lait de chevre est employé pour les usages de la table dans plusieurs pays, dans les provinces méridionnales du royaume, par exemple ; & il n'y était pas très-inférieur pour le goût au lait de vache ordinaire, à celui des environs de Paris. On prépare aussi avec ce lait de très-bon fromages. Voyez FROMAGE.. Voyez les propriétés médicinales du lait de chevre, & son analyse chimique, au mot LAIT.

La fiente de chevre donnée en infusion dans du vin blanc ou quelques eaux appropriées, passe chez quelques personnes pour spécifique dans les obstructions du foie & de la rate, & dans la gale : c'est-là un remede de paysan, qui peut avoir quelque utilité réelle. (b)

* CHEVRE, (Myth.) cet animal étoit révéré en Egypte ; c'étoit, pour ainsi dire, le sanctuaire général des bêtes. Pan passoit pour s'être caché sous la peau de la chevre. Il étoit défendu de la tuer ; elle étoit défendu de la tuer ; elle étoit consacrée à Jupiter, en mémoire de la chevre Amalthée : on l'immoloit à Apollon, à Junon, & à d'autres dieux.

L'Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, 1751-1772




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