Déjà la vache anglaise

pleine chèvre ou trace
Sente de la chèvre qui bâille : le livre

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« En 1667, Londres mangeait plus de bœuf et de mouton en un seul mois que toute l'Italie, l'Espagne et une partie de la France en une année entière. » [1]

Au XVIIe siècle, le roast beef d'Angleterre représente le symbole de la prospérité de cette nation, car la viande, selon les médecins, se révèle la nourriture qui convient le mieux à la santé humaine. Au XVIIIe siècle, l'Europe des lumières fait de la domination de l'homme sur l'animal une des illustrations du progrès.

Ainsi, la cuisine bourgeoise comporte-t-elle plusieurs plats de viande à chaque repas, afin de rendre l'homme fort et viril. Seuls quelques originaux, comme Jean-Jacques Rousseau et surtout Saint-Just (1767-1794), osent s'élever contre ce préjugé. Le conventionnel oppose, en effet, en matière d'approvisionnement, l'apitoiement sur le sort des fonctionnaires, classe corruptrice, à la retenue du peuple des campagnes qui « vit de pain et de légumes cuits à l'huile, heureux par les mœurs » [2].

Au XIXe siècle, l'anglomane bourgeoisie qui gouverne aspire à s'enrichir. Aussi incite-t-elle les populations à consommer de la viande, au nom du rendement de l'animal, que la science améliore et que ses fermiers vendent, ainsi que pour la productivité de ses ouvriers, « bêtes de labeur » de la révolution industrielle. Pierre Larousse, dans son Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle (1871), illustre cette idéologie productiviste en évoquant l'édification du chemin de fer de Paris à Lyon. À cette construction, les ouvriers anglais qui mangeaient de la viande avaient un travail plus rapide d'un tiers que les Français qui vivaient en grande partie de légumes et de pain. En outre, citant Isidore Geoffroy Saint-Hilaire (1805-1861), directeur du Muséum d'histoire naturelle, l'auteur du Grand Dictionnaire écrit, péremptoire, que « le régime végétal, lorsqu'il constitue la règle alimentaire d'une population, la mène promptement à la dégénérescence et à l'abâtardissement ».

C'est d'ailleurs au milieu du siècle dernier que se manifeste la consommation de la viande de cheval comme denrée de premier choix pour la santé publique. Ainsi, l'économie de marché met-elle fin à une interdiction de l'hippophagie par l'Eglise datant du pape Grégoire III, en 732, et relevant d'un interdit de la civilisation celte.

La propagande des firmes agroalimentaires, relayant celle de la bourgeoisie, fera que notre consommation de viandes passera de 19 kg carcasse par habitant et par an en 1800 à 40 kg en 1900 et à 110 kg en 1993.

Jean Domec, 1996


[1] Keith Thomas, Dans le jardin de la nature, Gallimard, 1985.
[2] Manger juste, par Lucienne Strivay, université de Liège, 1995.




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